C’est entre cuisine et décoration, que je vous invite à une visite privée dans l’univers créatif de Michel Guérard, grand nom de la gastronomie française, chef trois étoiles au Michelin depuis quarante ans.
Pour cette rubrique initiée autour des confidences culinaires, nous nous posons à Eugénie-les-Bains, dans l’enceinte de son établissement, « Les Prés d’Eugénie », qui a reçu récemment le label officiel d’Atout France, Palace.
Entre la découverte de ses créations, ses premiers souvenirs gourmands, ce à quoi il pense quand on évoque une bonne table, c’est finalement une rencontre qui respire la générosité et qui forge l’inspiration.
Quel est votre premier souvenir culinaire ? Une odeur, un goût qui vous rappelle votre enfance ?
J’ai encore en mémoire les tartes de ma grand-mère, monuments de gourmandise, dont le secret résidait dans leur innocente simplicité : un rond de pâte feuilletée ou brisée, les fruits crus de notre vergé cueillis à maturité, quelques copeaux de beurre salé, saupoudrés de sucre et mis aussitôt au four. Cette grand-mère pâtissière et cuisinière a été vraisemblablement le ferment de ma vocation pour ce métier.
Etes-vous plutôt salé ou sucré ?
Apprenti Pâtissier à mes débuts, puis Chef Pâtissier au Crillon et Meilleur Ouvrier de France, j’ai démarré l’aventure sous de sucrées auspices. Ce sont les propriétaires du Lido, où j’exerçais en tant que Chef Pâtissier, qui m’ont rallié vers les rives du salé, en me demandant de concevoir des dîners pour leurs amis le week-end. J’aime le sucre, mais sans les excès. Lorsque nous avons créé la Grande Cuisine Minceur en 1975, nous avons depuis lors toujours cherché à alléger ce composant, sans jamais sacrifier au goût. Et nous avons accompli des miracles. Bien souvent, sel et sucre dialoguent parfaitement ensemble et illuminent une recette de leur complémentarité. C’est le cas en ce moment avec notre « Palais Feuilleté au chocolat », un millefeuille divin au chocolat très noir dans lequel nous glissons des cristaux de sel et des segments de citron. Deux ingrédients qui réveillent à merveille le côté poussif du chocolat et lui donne la « niaque ».
Parlez-moi de votre univers créatif ? Où puisez-vous vos inspirations, quand vous imaginez une recette de cuisine ?
C’est une longue vie, faite au départ d’un apprentissage sévère mais incomparablement complet, puis de curiosité, et de voyages qui ont forgé mon répertoire d’imagination culinaire. La Chine, où je me suis rendu en 1978 (à l’époque la Chine de Tintin et Milou !) a laissé dans mes goûts et dans les techniques que j’ai par la suite utilisées des traces impérissables. Ensuite, une création, c’est un véritable travail d’équipe à Eugénie. Quand nous créons une recette avec la brigade, nous y allons par petits pas. Nous partons de quelque chose que nous connaissons, souvent un grand classique, puis nous nous lançons le défi de le réinventer, ou de lui donner une autre histoire. Plusieurs fois, au cours de ce processus, mes filles, Eléonore et Adeline, sont appelées à a rescousse pour des séances de dégustation sans concession. Après toutes ces épreuves, la recette est convaincante ; elle fonctionne comme une petite mélodie qui sonne juste, et la voilà enfin sur la carte. Parfois, elle est recalée, et réapparaîtra peut-être un jour dans de nouveaux atours.

En décoration, on évoque très souvent les matériaux (le bois, le métal, le marbre, l’ardoise…). Quels sont ceux que l’on retrouve dans votre cuisine ? Etes-vous plutôt plan de travail en bois, marbre, ardoise…Au niveau de la cuisson, plutôt feu au gaz, électrique, bois ?
La grande vedette de notre cuisine, et cela répondra d’ailleurs à votre question suivante, c’est la Cheminée. J’ai appris très tôt à y cuire les aliments de manière originale, en particulier sur ce couvercle retourné sur le feu vif des braises qui jouait le rôle de plancha avant l’heure.
Cette cuisson sur les braises relève d’un art subtil, utilisant l’énergie et les arômes divers des essences de bûches, une cuisson d’homme des bois au service du luxe. Nous accueillons chaque année de nombreux cuisiniers venus se perfectionner à cet exercice archaïque et sublime.
En cette fin d’année, auriez-vous un dessert phare pour les fêtes à partager avec nos lecteurs ?
Je vous confie, pour le goûter des petits et des grands enfants, le gâteau au chocolat des exploits pâtissiers de ma grand-mère. Pour initier les culottes courtes au maniement des fouets, il est absolument parfait ; c’est là-dessus que mes filles ont fait leurs premières armes de cuisinières.
On laisse fondre tout doucement 280 g de chocolat noir, avec 280 g de beurre.
Une fois fondu, on verse ce mélange sur 280 g de sucre préalablement battu avec 9 jaunes d’œufs. Puis, on ajoute à l’appareil 5 blancs montés en neige.
On verse les 2/3 de ce mélange dans un moule à génoise et on enfourne 1h à 130°C. Une fois cuit on le démoule sur une grille et le laisse refroidir.
Enfin, on l’enduit du 1/3 de crème au chocolat restant qu’on aura laissé figer au réfrigérateur pour plus de facilité.
Impossible de résister ! Chez nous, nous le dévorons avec un thé noir fumé, ou un vin blanc moelleux un peu vieux.
Pour finir, selon vous, qu’est-ce qu’une bonne table ?
Par définition, c’est un restaurant où l’on brûle de revenir une fois la porte franchie. L’art de la table ne se résumant pas à la seule assiette, le décor, l’accueil bienveillant, lumineux, la qualité et l’humeur des convives, les propos tenus autour de la table, participent grandement au succès d’un dîner inoubliable.
Pour s’y rendre :
LES PRÉS D’EUGÉNIE – MICHEL GUÉRARD
40320 Eugénie-les-bains
Landes – France
TÉL : + 33 (0)5 58 05 06 07
Site internet : www.michelguerard.com
Crédit photos : Céline Clanet, Corentin Mossière, Yoan Chevojon
Je suis Sandra Lonca !
” Puisqu’il faut un parti-pris, le mien est de mêler des lignes intemporelles à des solutions audacieuses pour métamorphoser vos intérieurs. Designer d’intérieur et décoratrice, je puise au quotidien mes inspirations dans ces multiples voyages, ces lieux de vie en Europe et en Afrique qui ont ponctués mes 11 années de vie à l’étranger. Puisque transformer l’intérieur d’un lieu, d’un espace se résume parfois à une phase de transition dans nos vies, j’aime ces rencontres, ces histoires qui initient un projet et nous donnent le plaisir de le concrétiser ensemble.”